Discovery, un programme qui connaît de nombreux ratés

Discovery, un programme qui connaît de nombreux ratés

Pression politique, coût exorbitant, et concurrence de l’OMS

22/05/2020

Lancé le 22 mars, le programme Discovery se veut être un projet ambitieux européen pour trouver un traitement au coronavirus. Mais deux mois après son lancement, il subit de multiples ratés et critiques, sur fond de politique.

Le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé en grande pompe que la France connaîtrait les premiers résultats des études menées par Discovery le 14 mai dernier. Discovery est un programme de recherche, lancé par l’INSERM, qui vise à trouver un remède au coronavirus en testant différentes molécules sur des patients atteints du Covid-19.

Mais même Florence Ader, du CHU de Lyon, qui pilote cette vaste étude, avait indiqué devant les sénateurs que ce calendrier était beaucoup trop optimiste. Et pour cause. Discovery a été lancé par l’INSERM avec pour ambition d’en faire un projet européen en travaillant sur 3 200 patients dans divers pays.

Un seul patient non français inclus


Mais jusqu’à présent, seul un patient non français a été inclus dans le programme, au Luxembourg, et 741 patients français ont été intégrés. “Il y a peut-être une question du coût très élevé de ce projet. On parle de 5.000 euros par patients, certains pays n’ont pas les moyens de dépenser autant” analyse Jean-Marc Naccache, pneumologue à l’hôpital Saint-Joseph et instigateur d’un protocole en ambulatoire, OutCov. D’autant que certains pays européens ont rejoint un programme similaire, lancé par l’OMS, Solidarity, qui reprend les mêmes traitement que Discovery, mais est beaucoup moins contraignant, tant économiquement que méthodiquement.

« Nous pourrions nous demander si l’absence de coopération de la part des médecins d’autres pays européens ne pouvait être expliquée par une absence de concertation sur l’écriture du protocole en amont » explique Ramy Rahmé, hématologue et ancien Chef de Clinique des Hôpitaux de Paris. Jean-Marc Naccache embraye : “C’est vrai que Discovery n’a pas été lancé dans les temps, mais pour leur défense, c’était difficile à prévoir comme situation”.

Des pressions politiques


“Est-ce qu’on a vraiment donné tous les moyens pour que le projet réussisse au niveau français et européen ? Il y a un vrai flou autour de ça.” interroge Ramy. Le docteur cite par exemple le médicament remdesivir, fabriqué par l’américain Gilead et qui est intégré à Discovery. Problème : Gilead a annoncé récemment avoir transmis tout son stock au gouvernement américain. “Il faut être conscient des failles et les accepter dans une telle situation” poursuit Jean-Marc Naccache. Le pneumologue anticipe des adaptations pour tous les programmes lancés en France (il sont au nombre de 44 jusqu’à présent). “Si tous les programmes s’adaptent, sauf Discovery, c’est qu’il y a un problème.”

Une certaine pression politique repose sur Discovery, incarnée par les prises de paroles fréquentes sur le sujet des membres de l'exécutif, d’Emmanuel Macron au ministre de la santé Olivier Véran.

“Il n’y a pas de molécule qui sort du lot”


Autre point de crispation : l’intégration de l'hydroxychloroquine dans le protocole de recherche. Cette molécule cristallise les débats depuis plusieurs mois en France, principalement à l’initiative du professeur Raoult. Si elle n’était pas prévue au départ, elle a été finalement intégrée « sous la pression des médias et des politiques » comme l’avait précisé le Professeur France Mentre, épidémiologiste à l’hôpital Bichât.

En tout cas, il est difficile de prévoir des résultats probants des recherches de Discovery. “Si ils ne font pas de communication dessus, c’est que pour l’instant il n’y a pas de molécule qui sort du lot” conclut Ramy Rahmé.

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