Quand les établissements veulent que les médecins la bouclent sur les réseaux sociaux

Quand les établissements veulent que les médecins la bouclent sur les réseaux sociaux

Sois jeune médecin et tais-toi

08/07/2019

Plusieurs jeunes médecins se sont fait récemment rappeler à l’ordre par leur direction après avoir partagé des éléments de leur quotidien au travail sur les réseaux sociaux. Pourtant, il s’agit d’un exutoir presque indispensables pour eux.

“Parfois, j’ai besoin d'extérioriser. Sinon je garderais tout et ça serait pire. Si je le faisais pas, je craquerai”, souffle Lisa*, en stage dans un hôpital parisien. Il est 22h et elle vient de terminer sa journée. Ce soir, elle ira sur son compte Twitter privé se plaindre des difficultés qu’elle rencontre avec la direction. Si l’étudiante agit en sous-marin, c’est par crainte des représailles. “Je n’ose pas m’exprimer sur mon compte principal qui est public. A l'hôpital, ça va vite pour faire les liens. En stage, on n’ose pas parler, on sait que ça peut se retourner contre nous”, confie-t-elle.

Un rappel à l’ordre pour un tweet


Dans un CHU de province, un jeune médecin en a récemment fait les frais. Après avoir exprimé sur Twitter son mécontentement sur des choix budgétaires de son établissement, il a reçu un rappel à l’ordre de sa direction. L’effet est immédiat : il ne souhaite plus s’exprimer publiquement sur le sujet.

Un rappel à l’ordre, qui est une manière de lui faire comprendre qu’il dispose de sa liberté d’expression... mais pas trop, comme l’explique l’avocat Vianney Petetin : “Les médecins hospitaliers sont soumis à plusieurs règles: devoir de réserve, confidentialité, obligation de discrétion, respect de la vie privée… Mais ils bénéficient aussi de la liberté d’expression. La question c’est trouver un équilibre entre liberté d’expression et les autres devoirs”, soulève-t-il.

Des tweets comme ceux-ci pourraient-ils valoir une sanction?


Les faits ne relèvent pas forcément d’une sanction disciplinaire


Les médecins auraient une mauvaise connaissance de leur statut, de leurs droits et de leurs obligations. Me Petetin explique :

“Ca donne un avantage aux hôpitaux qui peuvent mettre la pression alors même que dans certains cas, les faits ne relèvent pas d’une sanction disciplinaire.”


“A un moment donné, l’AP-HP parlait de son problème à recruter. Ils disaient que les médias donnaient une mauvaise image. Du coup on nous dit qu’il ne faut pas trop ébruiter les problèmes”, balance Lisa.

Expression sur les réseaux et charge mentale


Ce droit de réserve est loin de faire l’unanimité parmi les jeunes médecins. Le créateur du Tumblr de l’interne, dont la page Facebook compte 29.000 abonnés et traite avec humour de certaines situations quotidiennes vécues à l'hôpital, est catégorique: “C’est inacceptable. Communiquer sur les réseaux ça permet de créer du lien entre les internes et les jeunes médecins. C’est l’occasion de sourire un peu, de montrer que ce qu’ils vivent arrive à tout le monde”.

Ce besoin de partager leur quotidien serait aussi lié à la charge mentale de leur travail. “Les professionnels de la santé dans leur ensemble doivent pouvoir s’exprimer”, martèle-t-il, avant de s’indigner: “Ce sont des métiers avec des souffrances et une charge mentale communes à aucun autre. En plus de ça, nous n’aurions pas le droit de nous plaindre des contraintes et des difficultés que nous rencontrons ?”

* Prénom modifié à la demande de la personne

📄 Travaillant dans la fonction publique, un médecin est soumis aux mêmes devoirs que les autres agents. Ils sont consultables ici.

Les devoirs spécifiques aux médecins sont listés dans le code de la déontologie, consultable sur le site du conseil de l’ordre national des médecins.

[🎧 Podcast] À écouter sur le même sujet :


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