Pitié-Salpêtrière : médecins et témoins contre l’instrumentalisation par Martin Hirsch et Agnès Buzyn

Pitié-Salpêtrière : médecins et témoins contre l’instrumentalisation par Martin Hirsch et Agnès Buzyn

Reportage - Samedi, les manifestants interpellés le 1er mai donnaient une conférence de presse

Leur “intrusion” dans l’hôpital avait été qualifiée de “viol” par Agnès Buzyn et Martin Hirsch avait annoncé porter plainte. Les 34 manifestants interpellés à la Pitié-Salpêtrière le 1er mai s’agacent des ces réactions démesurées et remercient le personnel soignant de l’hôpital.

“Ça va bientôt commencer !” Dans ce petit local du 13e arrondissement de Paris, c’est l’effervescence. Ici, juste en face d’un commissariat, le collectif des 34 interpellés de la Pitié-Salpêtrière s’est réuni pour donner sa première conférence de presse.

Après une petite demie-heure de retard, une dizaine de membres du collectif pointent le bout de leur nez et s’assoient en face des journalistes. Les plus jeunes, des étudiants d’une vingtaine d’année, ont l’air abattu. “Il n’y aura pas de questions collectives, mais des entretiens individuels à la fin !” fait-on savoir d’emblée.



Une plainte de Martin Hirsch “incompréhensible”


Le soir du 1er mai, devant les caméras de BFM, le directeur général de l’AP-HP Martin Hirsch s’étranglait : “Ce sont des gens qui ne savent pas ce qu’est le respect dû à un établissement où on soigne”. Et annonçait dans un tweet qu’il allait porter plainte. Une décision incompréhensible pour Camille, la vingtaine : “On n’a rien fait”, lâche-t-elle. Même réaction pour Ariane*, une autre interpellée : “On n’a rien fait, c’est ridicule !”


“On s’est fait charger par les CRS, il y avait des gaz lacrymogènes", raconte Camille. "C’était très violent. On a eu peur, et la seule issue qu’on a trouvée, c’était une rue sur le côté." Elle explique d’une voix chevrotante ne pas avoir vu le grillage de l'hôpital, qui était déjà ouvert.

“On s’est assis sur le trottoir pour reprendre nos forces. Là, les voltigeurs [policiers à moto, ndlr] sont arrivés d’un côté, et les CRS de l’autre… La seule issue qu’on a trouvée, c’est monter les escaliers. On savait pas qu’ils menaient au service de réanimation, on voulait juste se protéger. On n’est même pas rentré dans l’hôpital !”, se défend-elle, angoissée.

Pour Agnès Buzyn, les manifestants ont “violé” l’hôpital


Toujours sur BFM, le soir du 1er mai, la ministre de la Santé Agnès Buzyn se disait “extrêmement choquée qu’un hôpital ait pu faire l’objet d’une intrusion et de violences potentielles”, avant de saluer le “sang froid” du personnel de la Pitié-Salpêtrière face à des manifestants qui auraient “violé un hôpital”.

Pour Camille, c’est la douche froide. Elle ne s’est rendue compte qu’elle était dans un hôpital qu’au moment où elle a croisé des aides-soignants. Et affirme que le personnel la Pitié-Salpêtrière a été très “bienveillant” avec les manifestants. La jeune femme se rappelle :

“Les aides-soignants m’ont distribué du sérum phy.”

“Les gens essayaient d’échapper à cet environnement et de se réfugier dans l’hôpital”, confirme à RTL le médecin urgentiste Christian Prudhomme. “Ce que l’on voit dans la cour de l'hôpital, ce sont des gens perdus avec des policiers qui courent dans tous les sens”, continue-t-il.

La version des soignants contredit les déclarations officielles


Dès le lendemain de la manifestation, plusieurs membres du personnel de la Pitié-Salpêtrière sont venus contredire la communication gouvernementale et Martin Hirsch. Un médecin a par exemple affirmé à BFM qu’il n’y a avait pas eu d’“intrusion” et que l’équipe n’était pas du tout “choquée”.




Dans une vidéo filmée de l’intérieur du service de réanimation, on voit les membres du personnel empêcher les manifestants d’entrer, puis commenter l’événement. “C’est les CRS qui les ont pris en tenaille, la seule issue c’était ici”, lâche l’un d’eux. “Ils ont pris peur, c’est pour ça”, souligne un autre.

Christophe Castaner : “Je n’aurais pas dû employer le mot ‘attaque’”


Du coup Martin Hirsch a tenté de justifier ses déclarations “à chaud” dans un long mail envoyé au personnel de l’AP-HP : “L’intrusion possible dans un mouvement de panique, de plusieurs dizaines de personnes dans un service de réanimation chirurgicale, représente quels qu’en soient les motifs non seulement un risque pour la sécurité des personnels mais aussi un risque sanitaire très important pour les patients”, écrit-il.

De son côté, Agnès Buzyn maintient que “c’était une intrusion ressentie de manière très violente par le personnel”. Quant au ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, il a reconnu qu’il n’aurait “pas dû employer le mot ‘attaque’”, mais il continue lui aussi de parler d’“intrusion violente” et d’“acte inadmissible”.

Le parquet de Paris a en tout cas ouvert une enquête après que la directrice de la Pitié-Salpêtrière Marie-Anne Ruder a porté plainte contre X pour “intrusion” et “dégradations”.



*prénoms modifiés à la demande des personnes

Texte : Rémi Yang, avec Camille Hamet

Photo : Cléo Bertet

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