
Les propositions de jeunes médecins pour favoriser l’accès aux soins
26/04/2025
Suite à la rencontre avec du 18 avril 2025 avec les cabinets des Ministre de la Santé et de l’Accès aux Soins, Ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le creux annoncé de la démographie médicale est face à nous, aggravé par le vieillissement de la population. Les attentes des patients sont énormes et légitimes mais ne doivent pas être détournées par des stratégies populistes et électoralistes, qui ne feront qu’aggraver la situation.En s’appuyant sur des centaines de contributions de ses adhérents et sur ses échanges avec l’Ordre des Médecins, des associations de médecins, soignants et patients et d’autres syndicats, Jeunes Médecins propose 23 mesures, classées en fonction de leur efficacité à court et à moyen terme, en explicitant de premières actions concrètes pour chacune de ces mesures.
Bien sûr, les mesures à long terme sont indispensables mais notre système de santé a besoin d’actions et de résultats dès maintenant. Les mesures à long terme seront traitées en collaboration avec le Ministère de la Santé et le Ministère de lʼEnseignement Supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation dans un second temps.
A court terme = pour de premiers bénéfices à moins de 6 mois :
● 1. Faciliter l’exercice multi-site :
○ Premières actions concrètes :
■ Faire évoluer le Code de la Santé Publique en ce sens ;
■ Créer des unités mobiles et centres pluridisciplinaires dans les zones sous-dotées, permettant un roulement de spécialistes y compris de médecine générale de toute la région, venant chacun exercer une ou deux demi-journée par mois, sur une base de volontariat ;
● 2. Simplifier les remplacements :
○ Docteurs juniors et internes représentent 8000 médecins supplémentaires ;
○ Premières actions concrètes :
■ Permettre au médecin installé d’avoir un remplaçant dans son lieu d’exercice principal quand il va travailler en zone sous-dotée afin de :
● Ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ;
● Permettre au remplaçant d’être présent dans le lieu d’exercice le plus structuré et d’être appuyé par les associés et/ou collaborateurs habituels du médecin installé ;
■ Après avoir structuré des coopérations en ce sens, permettre au médecin installé d’avoir un remplaçant dans son lieu de consultations avancées quand il travaille dans son lieu d’exercice principal ;
■ Créer une plate-forme de remplacements gérée par l'Ordre des Médecins. En effet, les déclarations aux CDOM manquent de pertinence pour les médecins effectuant des consultations avancées dans les zones-sous-dotées de départements voisins ;
● 3. Installer les médecins qui ne le sont pas :
○ Il n’y a pas qu’un problème d’installation des médecins dans les déserts médicaux. Il y a un problème d’installation des médecins tout court, aggravé par des années d’attaques contre la médecine libérale ;
○ Premières actions concrètes :
■ Faciliter l’accès aux locaux (pour de grandes équipes incluant assistants médicaux et professions paramédicales) et à leur aménagement (coût de la mise aux normes PMR) avec un prêt à taux zéro par la BPI ou la Banque des Territoires ;
■ Autres avantages : remboursement différé, modalités d’amortissement comptable, leviers fiscaux, aides plus significatives (car il faut des locaux plus grands pour travailler en équipes);
■ Diviser par 2 les délais administratifs lors des demandes de permis de construire et déclarations préalables pour les activités de santé en zones sous-dotées ;
■ Déroger au droit de préemption par les mairies ;
■ Créer de véritables guichets uniques fonctionnels afin de coordonner Ordre, ARS, CPAM et collectivités territoriales sur le sujet de l’installation ;
● 4. Favoriser l’exercice mixte :
○ Prisé des jeunes médecins, l’exercice mixte (ville et hôpital, public et privé, salarié et libéral) améliore les liens entre professionnels de santé et l’efficacité des coopérations ;
○ Premières actions concrètes :
■ Simplifier les autorisations pour ces activités ;
■ Étendre les assouplissements des modalités de remplacements à ce type d’exercice (par exemple : permettre à un médecin libéral d’être remplacé dans son lieu d’exercice principal pendant qu’il effectue une vacation en milieu hospitalier) ;
● 5. Valoriser l’exercice dans les zones sous-dotées :
○ Premières actions concrètes :
■ Défiscaliser les activités médicales dans les zones sous-dotées, en s’appuyant sur les avantages prévus dans les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) ; communiquer sur le sujet ;
■ Créer une lettre-clé, comme il existe des majorations pour la nuit profonde ou les enfants de moins de 5 ans ;
● Avec un focus particulier pour la psychiatrie ;
■ Soutenir les mises en place de coopérations territoriales (exemple du Groupement de Coopération Sanitaire Spécialistes en Imagerie Médicale de Saintonge, validé par l’ARS Nouvelle-Aquitaine, qui permet à des radiologues exerçant à Bordeaux d’intervenir dans les hôpitaux du sud de la Charente-Maritime avec une activité mixte, présentielle et à distance) ;
● 6. Favoriser le travail des médecins en réseau :
○ Les médecins ne veulent plus exercer de manière isolée ;
○ Premières actions concrètes :
■ Cela doit être une mission des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) mais leur management doit être organisé et formé dans cette logique de coopérations (comme pour le secteur hospitalier) ;
● 7. Travailler en équipe de soins, en s’appuyant sur les outils digitaux :
○ Les coopérations sont positives pour la qualité des soins et la Qualité de Vie au Travail (QVT) ;
○ Le travail en équipe et la délégation de tâches constituent un levier fort mais qui doit être encadré et contractualisé ;
○ Premières actions concrètes :
■ Développer la télémédecine, particulièrement, les téléconsultations assistées avec un binôme médecin / IDE, les télé-expertises et la télé-surveillance, dans un parcours hybride (présentiel/distanciel) ;
■ Déléguer des tâches aux infirmiers pour l’éducation thérapeutique avec des applications comme MedPrev (co-pilote santé développé par l’URPS Médecins Libéraux Nouvelle-Aquitaine, soutenu par l’ARS Nouvelle-Aquitaine). C’est un axe fort de prévention, d’empowerment des patients et il contribue à diminuer les dépenses de santé. Il faut labelliser ces applications et favoriser leur adoption ;
■ Créer une cotation ou un forfait pour l’éducation thérapeutique / à la santé ;
■ Structurer les coopérations avec les pharmaciens de ville (d’officine) pour les patients bénéficiant de traitements oraux (chimiothérapie, immunothérapie) pour améliorer l’observance, mieux détecter et prendre en charge les effets indésirables et identifier les situations devant amener à consulter plus tôt que prévu. En profitant de la réforme des autorisations d’activité, il faut créer des centres de coordination en cancérologie (exemple de celui de l’Institut Bergonié) ;
■ Impliquer les assistants médicaux dans les services d’Urgences comme à l'Hôpital Paris Saint-Joseph (depuis 2015 !) ;
● 8. Faciliter le développement “d’oasis au sein des déserts” :
○ Un pré-requis pour l’installation de médecins est de disposer de plateaux techniques d’imagerie et de biologie médicale ;
○ Le rapprochement de ces structures par rapport à la population réduit les coûts de transports, qui sont régulièrement plus élevés que ceux des examens réalisés ;
○ Premières actions concrètes :
■ Autoriser davantage de PIMAP (Plateau d'Imagerie Médicale Ambulatoire de Proximité), en favorisant les projets qui prévoient des bureaux et assistants médicaux partagés afin de permettre l’ancrage de spécialistes en médecine générale et la mise en œuvre de consultations avancées d’autres médecins spécialistes ;
● Le Ministre connaît bien ce sujet puisqu’il était à l’origine d’une PPL sur le sujet en 2023 (PPL Neuder du 14/02/2023 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0835_proposition-loi.pdf) ;
■ 1er objectif = 5 PIMAP par région ;
■ Puis davantage ;
● 9. Supprimer les mécanismes diminuant les remboursements des patients n’ayant pu déclarer de médecin traitant :
○ Premières actions concrètes :
■ Supprimer les mécanismes diminuant les remboursements des patients n’ayant pu déclarer de médecin traitant ;
● 10. Informer et éduquer les patients, en mettant à profit le levier des outils digitaux :
○ Les fake news ne se limitent pas aux domaines politiques et économiques ;
○ La Santé fait l’objet d’attaques récurrentes, s’appuyant sur les réseaux sociaux et tuant à grande échelle ;
○ Médecins, soignants et associations de patients doivent lutter contre la désinformation ;
○ Dans une volonté d’efficience, de rationalisation des coûts et d’éthique, défendre la médecine fondée sur les preuves (Evidence Based Medicine ; EBM) est un devoir médical ;
○ Premières actions concrètes :
■ Renforcer les labels existants pour les informations médicales ;
■ Mettre en place un circuit d’alerte indépendant des plateformes de réseaux sociaux ;
■ Accélérer les sanctions ordinales, administratives et civiles en cas de désinformation ;
● 11. Informer et éduquer les patients pendant leurs interactions avec le système de santé, à nouveau avec le levier des outils digitaux :
○ Bon usage des services d’urgences hospitaliers et modalités de recours aux soins non programmés ;
○ Premières actions concrètes :
■ Communication sur le SAS (Service d’Accès aux Soins) ;
■ Information des patients des Urgences, globale et personnalisée (exemple du Centre Hospitalier de Valenciennes) ;
■ Apprendre à réguler leurs demandes, à écouter les conseils d’orientation (pharmaciens, infirmiers, régulation, téléconsultation), afin de formuler des demandes adaptées ;
■ Amplification des campagnes sur des thématiques ciblées (bon usage des antibiotiques, prise en charge des pathologies rachidiennes…) ;
● 12. Faciliter l'intégration des PADHUE ayant répondu aux exigences de niveau requises :
○ Premières actions concrètes :
■ 4000 médecins supplémentaires (soit 40 par département !) ;
■ Si le véhicule législatif n’existait pas, alors la PPL pourrait au moins avoir cet intérêt ! ;
A moyen terme = pour un impact positif appréciable dans 6 mois à 2 ans :
● 13. Rendre les études de médecine moins uniformes et uniformisantes :
○ La pression est forte et délétère pour opposer ou hiérarchiser CHU versus hôpitaux périphériques, hôpital versus ville, salariat versus libéral, spécialités chirurgicales et médicales, spécialités cliniques et plus techniques… ;
○ Premières actions concrètes :
■ Contribuer au changement, dès la formation initiale en s’abstenant de délivrer de tels messages ;
■ Rééquilibrer les terrains de stages en faveur des acteurs qui étaient invisibilisés ;
■ Rendre obligatoires au moins un stage de 6 mois en ville pour tous les internes, toutes spécialités confondues ;
■ Réformer les ordonnances Debré ;
● 14. Améliorer le fonctionnement du Numerus Apertus :
○ Premières actions concrètes :
■ Piloter le Numerus Apertus avec Universités, ARS, collectivités territoriales et URPS ;
■ Créer au moins 1 site de 1re année (PASS/LAS) dans chaque département ;
■ Renforcer les capacités pédagogiques locales (terrains de stages et encadrement) en ville et dans les hôpitaux périphériques avec un net élargissement de leurs capacités pédagogiques ;
● 15. Favoriser les formations et stages dans les territoires de proximité :
○ Valoriser les maîtres de stage universitaires et les Docteurs Junior dans ces territoires afin de soutenir les expériences professionnelles et installations, toutes spécialités confondues ;
○ Premières actions concrètes :
■ Financières ;
■ Dans le fléchage des postes ;
■ Etudier l’assistant territorial promu par l’ISNI comme modalité d’accès au Secteur 2 ;
● 16. Actualiser la formation initiale en y intégrant les nouvelles organisations :
○ Premières actions concrètes :
■ Imposer aux facultés de Médecine d’organiser au moins une journée par an dédiée aux remplacements et à l’installation, en coopération avec les URPS ;
■ Cours sur CPTS, ESS, dimension entrepreneuriale de l’exercice médical, responsabilité populationnelle, management, innovation organisationnelle ;
● 17. Elargir les compétences des médecins installés :
○ Premières actions concrètes :
■ Orienter le Développement Professionnel Continu vers des sujets moins théoriques mais plus pratiques afin de favoriser le développement de compétences activables ;
■ Ouvrir l’accès à certaines activités d’autres spécialités pour les MG et pédiatres ;
■ Réintroduire les Validations des Acquis de l’Expérience (VAE) ;
● 18. Favoriser la recherche en médecine de ville et dans les territoires sous-dotés :
○ Premières actions concrètes :
■ Créer des Unités de Recherche Clinique (URC) pour les libéraux ;
■ Valoriser ce temps de recherche ;
● 19. Améliorer les infrastructures des territoires de santé sous-dotés :
○ Premières actions concrètes :
■ Logements, écoles, horaires des trains… afin d’améliorer l’attractivité globale de ces territoires ;
● 20. Augmenter les capacités de formations en Infirmiers, Aides-Soignants et Manipulateurs en Electro-Radiologie Médicale (MERM) :
○ Premières actions concrètes :
■ Créer au moins une école ou une antenne d’école dans chaque Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) pour IFSI, IFAS, IFMEM (ou DTS IMRT) ;
● 21. Développer les assistants médicaux :
○ Premières actions concrètes :
■ Faire connaître le métier d’assistant médical ;
■ Le structurer dans une logique opérationnelle comme les chirurgiens-dentistes ont créé un levier efficace avec les assistants dentaires ;
● 22. Développer la représentation médicale :
○ Démocratie participative ;
○ Premières actions concrètes :
■ Favoriser les travaux communs entre Ordre, syndicats et associations de médecins ;
● 23. Lutter contre la financiarisation :
○ Elle conduit d’ores et déjà à des fermetures de cabinets de radiologie et d’imagerie médicale ;
○ Premières actions concrètes :
■ N’accorder les autorisations d’activités qu’à des médecins ;
■ Toute cession d’autorisation d’activité ou modification significative de la structure capitalistique d’une société bénéficiaire d’autorisation d’activité doit entraîner le retour de l’autorisation parmi celles disponibles dans le cadre du Schéma Régional de Santé (SRS) puis une nouvelle procédure passant par la Commission Spécialisée de l'Organisation des Soins (CSOS). Si les autorisations ne sont plus des rentes de situation, alors l’intérêt des financiers pour leur rachat décroît.
Propositions moins consensuelles et relevant plutôt du long terme :
● Augmenter la part du numerus apertus en médecine générale pour avoir une répartition 70 % médecine générale vs 30 % autres spécialité, ce qui permettra d’améliorer la santé publique de la population ;
● Régionaliser le concours de l'internat (avec la possibilité de concourir pour une ou deux régions seulement) afin de développer des stratégies régionales, infra-régionales et territoriales : ne pas seulement choisir une spécialité mais choisir cette spécialité couplée à un ou plusieurs territoires de santé où les besoins sont documentés.
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