Les études de médecine face à l'avenir

Les études de médecine face à l'avenir

Par Alaedine Benani, externe en médecine dans les services de post-urgences médicales et de cardiologie.

02/12/2019

[Tribune] Dans ce texte, Alaedine Benani, externe en médecine dans les services de post-urgences médicales et de cardiologie, revient sur l'importance de l'intelligence artificielle dans les études de médecine.

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Par Alaedine Benani, externe en médecine dans les services de post-urgences médicales et de cardiologie.

Les études de médecine sont paradoxales : elles sont longues et difficiles, extrêmement sélectives et psychologiquement intensives, mais elles sont, dans le même temps, hautement plébiscitées. Le travail, ardu, ainsi que le dévouement, souvent sans faille, de ces futurs médecins nous permettent, en France, d’être en mesure de nous vanter d’une prise en charge des soins absolument exceptionnelle, dans un contexte de délabrement du système de soins. La moindre des choses serait, pourrait-on se dire, de leur offrir les meilleures conditions possibles lors de leur apprentissage, ce qui comprend de les former aux enjeux des transformations scientifiques et technologiques de la médecine.

Des nouvelles méthodes d'apprentissage automatique



Et pour cause, ces enjeux sont immenses. Depuis quelques années, les nouvelles méthodes d’apprentissage automatique (l’intelligence artificielle) révolutionnent nombre de métiers. La digitalisation de la société et l’avènement de l’ordinateur personnel, puis du smartphone et de l’internet des objets, a abouti à une génération de données sans précédent qui nourrit des algorithmes de plus en plus puissants.

En médecine, ces derniers seront, demain, incontournables. Lectures de comptes-rendus, vérifications d’ordonnances, analyses d’examens complémentaires, monitoring à distance ne sont que de très épars exemples de cas d’usages. Que ce soit dans la prévention, l’aide au diagnostic ou le suivi thérapeutique rapproché, leurs rôles seront clés. Dans ce contexte, le besoin de formation des médecins est d’une importance cruciale pour assurer l’utilisation de ces nouvelles technologies dans un cadre sain, réfléchi et bénéfique.

Des moyens dépassés



Alors que le monde a tant évolué, que l’information médicale est à disposition des patients, que les montres électroniques sont devenues des mini-ECG, et que les GAFA (le quatuor américain Google-Apple-Facebook-Amazon) s’impliquent de plus en plus dans le juteux marché de la santé, l’amphithéâtre de la faculté de médecine reste lui bien inchangé.

A l’hôpital, certains étudiants ont même la chance de pouvoir admirer des ordinateurs sous Windows XP (la distribution que Microsoft a abandonnée en 2014) et plus d’une centaine de logiciels différents (dans le même hôpital), la majorité n’étant pas inter-opérable, à l’interface indigne et à l’expérience utilisateur inexistante.

L’interne n’a d’autres choix que de prendre des photos de tumeurs dermato-logiques via Instagram, de discuter de cas compliqués sur des groupes WhatsApp et de rechercher la posologie médicamenteuse sur Google.


Une meilleure formation à l'Intelligence Artificielle



Lorsque l’on parle d’Intelligence Artificielle, l’incompréhension, voire la méfiance ou même la peur, se lit dans leurs yeux. Les étudiants en médecine sont peu formés, peu informés, des enjeux historiques de notre génération, alors que ce sont précisément eux qui vont être confrontés à ces outils.

Nous sommes un des seuls pays à avoir un sillon aussi tracé et immuable concernant les études de médecine. D’autres pays, en effet, organisent un parcours plus interdisciplinaire. Les États-Unis, par exemple, obligent les étudiants en médecine à passer par trois ans de bachelor dans une autre discipline (comme l’informatique) avant de postuler à l’école de médecine. États-Unis où, d'ailleurs, le concept de Deep Medicine mariant la technologie et la médecine commence à faire surface.

Ce schéma pédagogique est relativement fréquent en Asie. En Europe, des pays comme l’Italie viennent de lancer les cursus médecine-ingénieur.

Le danger des GAFA


En France, bien qu’elles restent encore trop marginales, on assiste à des initiatives encourageantes et salvatrices. Les doubles cursus médecine/sciences et pharmacie/sciences, popularisés par l’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt, promeuvent les doubles formations santé/sciences. L’exemple du CRI - Centre de Recherches Interdisciplinaires - est aussi plus qu’encourageant : lancé par deux chercheurs (François Taddei et Ariel Lindner), ce lieu hors du commun accueille des étudiants venant de toutes parts (que ce soit d’un point de vue géographique ou disciplinaire), leur permettant de se rencontrer, d’échanger et de travailler ensemble. La faculté de Médecine de Paris Descartes, pour sa part, est consciente de l’enjeu et lance un Diplôme Universitaire d’Intelligence Artificielle appliquée à la santé.

Ces initiatives sont précieuses, mais elles doivent être démultipliées. Les nouvelles technologies n’attendent pas. Si le monde médical n’est pas prêt à les accueillir dans un futur proche, les start-ups, mais surtout les grandes entreprises de type GAFA, vont trouver un autre canal de distribution, hors des médecins, voir hors du système de soins. Une solution aux bénéfices financiers potentiellement majeurs ; une solution dont l’impact en santé publique serait désastreux.


Auteur: Alaedine Benani, externe en médecine dans les services de post-urgences médicales et de cardiologie

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