Derrière le soleil et les palmiers, le quotidien des jeunes médecins dans les Dom

Derrière le soleil et les palmiers, le quotidien des jeunes médecins dans les Dom

Manque de moyens, barrière de la langue et maladies tropicales

Le soleil, la plage, les palmiers… Derrière le paysage de carte postale et les primes d’installation, l’exercice de la médecine dans les Dom s’avère parfois plus difficile qu’en métropole.

“A Mayotte, on galère à trouver des médecins”, constate le docteur Fontaine. Installée depuis plus de 5 mois sur la petite île du canal du Mozambique, entre Madagascar et les Comores, Stéphanie Fontaine, exerce son activité de médecin généraliste dans un dispensaire, une structure qui n’existe plus en métropole.

“C’est une antenne de l’hôpital où l’on fait des consultations de médecine générale un peu plus poussées. On y trouve des infirmiers qui peuvent gérer les soins de pansement, la prise en charge de crise d’asthme, les transfusions, les prises de sang, la surveillance du diabète…”, éclaire-t-elle.

Barrière de la langue et maladies tropicales


Lorsqu’elle liste les spécificités liées à l’exercice de sa profession à Mayotte, le docteur Fontaine s’attarde sur la barrière de la langue. “Tous les Mahorais ne parlent pas français, mais le shimaorais.”

La médecin est donc accompagnée d’aides-soignants, qui lui servent de traducteurs. Mais parfois, cela ne suffit pas. “Tout le versant psy est plus difficile à aborder à Mayotte qu’en métropole. Certains de mes collègues se rendent bien compte qu’entre ce qu’ils ont dit et ce qui est traduit, il y a des différences. Soit il y a des manquements, ou des choses dites autrement, qui peuvent être problématiques”, évoque-t-elle.

Exercer ici lui permet aussi de découvrir de nouvelles pathologies. En ce moment, l’île fait face à une épidémie de dengue, “une sorte de grippe transmise par les moustiques”. Il y a aussi la leptospirose, qui prolifère à cause des déjections de rats.

Un manque de moyens humains


Malgré ses dispensaires, Mayotte a des airs de désert médical. “Il n’y a qu’une grosse structure hospitalière à Mamoudzou, la capitale, et un hôpital à Petite Terre pour une population officielle de 200.000 personnes”, renseigne la médecin généraliste. “Mais finalement, il y a 400.000 personnes avec toute la population migrante. C’est vraiment particulier. Il n’y a pas assez de médecins par rapport à la population. On consulte à flux tendu, il faut voir beaucoup de monde”, continue-t-elle. Ainsi, il faudrait attendre jusqu’à 3 ou 4 mois pour certaines consultations. “On n’a pas le choix, on peut même pas leur dire d’aller dans le privé parce qu’ils n’ont souvent pas l’argent pour.”

“On galère pour avoir des infirmières”


Même son de cloche du côté du docteur Azouk* qui exerce en Martinique depuis 4 ans. “Je fais le travail de 3 personnes”, souligne-t-il. Spécialisé en médecine nucléaire, il travaille au seul CHU de l’île, dont les 7 sites sont presque tous regroupés au même endroit. Et le service de médecine nucléaire est tellement dépassé qu’il doit être entièrement reconstruit. “On bosse tellement qu’on n’a même pas le temps d’aller à la plage”, regrette-t-il. “C’est très dynamique, mais on dépense beaucoup d’énergie pour peu de résultats. J’ai l’impression de ne pas avancer”, rapporte-t-il.

Les conditions qu’il décrit sont similaires à celles de Mayotte. “La situation générale est très fragile. On galère pour avoir des infirmières, des secrétaires, on manque de seniors … C’est extrêmement difficile d’embaucher”.

Beaucoup d’évacuations sanitaires


Ce manque de moyens se ressent aussi à plus de 10.000km de là, en Guadeloupe. “Il n’y a qu’une réanimation polyvalente de moins de 40 places pour 38 0000 habitants, moins de médecins, une plus grande difficulté d’accès aux soins et donc beaucoup d’évacuations sanitaires”, témoigne une anesthésiste. A Mayotte, toutes les spécialités ne sont pas représentées, forçant des évacuations sanitaires vers la Réunion ou la métropole pour les cas les plus complexes.

S’ajoute l’éloignement, problématique lorsqu’il s’agit d’aller se former. “Les billets d’avion ne sont pas subventionnés”, regrette le docteur Azouk, en Martinique. “Toutes les formations pour les jeunes médecins et internes ont lieu en métropole. Un billet d’avion aller retour c’est 1000€ de notre poche. 500€ en hors saison”.

“Le CHU de Guadeloupe a brûlé le 28 novembre 2017 ce qui a entraîné des conditions de travail encore plus difficiles et une fuite du peu de médecins présents. En regardant l’actualité, je ne sais pas s’il s’agit vraiment d’une spécificité des Dom ou juste d’une mort annoncée des hôpitaux français”, conclut l'anesthésiste de Guadeloupe.

Des aides et des majorations


Pourtant, le tableau pour les jeunes médecins n’est pas tout noir. “Les premiers mois, je travaillais 40 heures par semaine. Ca me laissait plus de temps libre et me permettait de revenir travailler plus en forme”, évoque le docteur Fontaine, en mettant l’accent sur le cadre idyllique offert par Mayotte.

En dehors du paysage de rêve, des aides sont mises à disposition pour les médecins qui veulent s’investir dans les Dom. “Il y a une majoration de 40% supplémentaire dans tous les Dom. Quand on fait un remplacement au Centre hospitalier de Mayotte, l’avion est pris en charge et l’hôpital loge gratuitement pendant 3 mois”, souligne Stéphanie Fontaine.

Chez les jeunes médecins, l’installation en Dom fait débat. D’après un sondage réalisé sur nos réseaux sociaux et notre site, près d'un jeune médecin sur 2 se dit prêt à réaliser le grand saut

* Le nom a été modifié à la demande

Pas encore adhérent ?

Faites partie de la communauté des Jeunes Médecins

  • > Faites-vous entendre et participez au renouveau de la profession
  • > Profitez des offres et des avantages réservés aux adhérents
  • > Participez aux événements dans votre région