60% des internes en grève pour faire plier le gouvernement

60% des internes en grève pour faire plier le gouvernement

Comme en 1997, ils se mobilisent en masse

20/12/2019

Depuis le 10 décembre, les internes ont entamé une grève illimitée suivie à 60%. Ce n’est pas la première fois qu’ils se mobilisent: en 1997, ils avaient engagé un bras de fer avec le gouvernement Chirac qui avait conduit à la démission d’Alain Juppé.

“C’est un phénomène d’accumulation qu’il y a eu lieu ces dernières années, pas mal de facteurs qui ont dégradé le statut d’interne, notamment sur le temps de travail et la qualité de la formation”, pose Justin Breysse, président de l’ISNI. Selon ses chiffres, 60% des internes sont en grève illimitée depuis le 10 décembre. Le ministère, lui, estime les grévistes à 40%. “Même cette sous estimation est très forte”, souligne Justin Breysse. “Je pense que les internes sont arrivés à un point de rupture”.

56 heures hebdomadaires


Le président de l’ISNI liste les déconvenues qui tombées sur les internes ces derniers temps: “On a fait une étude sur le temps de travail qui a montré qu’on est toujours à 56 heures hebdomadaires en moyenne depuis 2012, les repos de sécurité sont moins pris en charge qu’en 2012, les gardes sont gelées depuis 10 ans…”


Il met également en cause la loi santé de cet été, qui aurait dégradé le contenu de la formation des internes. “Les formations privées qui permettaient d’offrir à des congrès nationaux ou internationaux des formations de plusieurs semaines ont été supprimées du jour au lendemain…” Le président de l’ISNI cite également la mise en place de la CVEC, “un impôt qui a remplacé les cotisations pour la vie étudiante, alors que nous sommes déjà soumis au régime général”, et s’attaque à la mise en place de la réforme du troisième cycle, “complètement chaotique. Il y a la création d’un statut de Docteur junior qui est la même chose que le statut d’interne. Et avec le Big Matching, on modifie les choix de stage, l’interne n’est plus libre. Toutes les phases de la réforme ont été acceptées de manière précipitée, bâclée et chaotique.”

Les internes s’inquiètent pour l’avenir de la santé


Si certaines de leurs revendications sont propres à leur statut, d’autres vont au delà. Ils demandent notamment une revalorisation de l’Ondam à 4.4%, ainsi qu’une reprise de la dette des hôpitaux par l’État. “Il y a une majorité de revendications qui touchent toute la profession et même l’avenir de la santé en général. Les internes ont une absence de vision dans leur profession. Ils nous disent que si l’austérité budgétaire continue, la qualité de leur condition de travail et la manière dont ils réalisent leur métier va fortement baisser. Ça les pousse à beaucoup se mobiliser”.

La grève des internes de 1997


Ce n’est pas la première fois que les internes se mobilisent en masse. En 1996, les ordonnances réformant l'hospitalisation publique et privée, et portées par le premier ministre de l’époque, Alain Juppé, mettent le feu aux poudres. A l’époque, David Soffer représente l’ISNI à Grenoble. “Dès le mois de mars-avril 1996, la question d’un appel à la grève a été posée”, rembobine-t-il. “Il y avait un débat en interne pour savoir si on pouvait faire la grève pour de vrai. C’est à dire ne pas y aller, et pas juste avec un bandeau “en grève”. Le résultat ça a été de se dire ''on a un statut d’étudiant donc allez vous faire voir, on n'est pas indispensable au fonctionnement hospitalier, donc on peut très bien faire une grève et ne pas être menacés''.”


Ce bras de fer avec le gouvernement n’a pas abouti à la suppression des ordonnances. “On n’avait pas obtenu grand chose sur le moment mais un des effets de cette agitation a été de pousser Chirac à dissoudre l’Assemblée Nationale. Résultat, il a perdu les élections et Jospin est arrivé”, se rappelle David Soffer, qui devient quelques années plus tard président de l’ISNI. Ses revendications n’ont pas été satisfaites, mais il se félicite d’avoir réussi à rendre visible les internes.

“Le parallèle entre 1997 et aujourd’hui, c’est que les internes portent des revendications générales sur le futur de leur métier. Au final, leurs préoccupations vont au delà de leur propre statut et leurs propres conditions de travail”, fait valoir Justin.

Les conseils du père Soffer


Si David Soffer était à l’époque partisan d’une grève dure, il a quelques conseils à donner aux internes mobilisés aujourd’hui. “Il faut lutter contre les divisions, rester uni, avoir des objectifs simples et clairement identifiables”, soutient-il. Il se rappelle avoir eu une mauvaise expérience avec la presse: “On a souffert d’une mauvaise image dans les Guignols de l’info. On y voyait des internes qui défilaient dans la rue avec un sac de golf en bandoulière. C’est pour ça qu’il faut faire très attention à la communication avec la presse.”

L’ancien président de l’ISNI recommande de “taper à tous les étages. Il ne faut pas hésiter à aller dans les niveaux intermédiaires. Les conseillers et les directeurs de cabinets sont aussi très intéressants à rencontrer”, avant de mettre l’accent sur la coordination entre les différents groupes d’internes régionaux.

De retour le 20 janvier


Si Agnès Buzyn a tenté de calmer le mouvement des internes avec quelques annonces, la mobilisation est prête à continuer. “Ces annonces largement insatisfaisante. On reste fortement mobilisé, et le mouvement va reprendre fort en janvier. On compte faire un jour, une ville mobilisée et mettre en place une mobilisation nationale le 20 janvier”, prévoit Justin Breysse.

“L’objectif derrière lequel les internes ont intérêt à courir à mon avis, c’est de gagner un statut qui ne soit pas un statut d’étudiant mais de professionnel en formation. C’est le point clé. Il faut arrêter avec cette hypocrisie. Les internes sont des professionnels qui font tourner les hôpitaux”, martèle David Soffer.


Rémi Yang

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