3 questions à l’auteure de “Silence sous la blouse”, enquête sur les violences sexuelles à l’hôpital
“Les victimes me racontaient toutes la même histoire”
02/04/2019
La journaliste Cécile Andrzejewski a écrit le livre "Silence sous la blouse" après avoir enquêté sur les violences sexuelles à l’hôpital pendant un an et demi. Nous lui avons posé trois questions.
Quel a été l’élément déclencheur de votre travail d'enquête ?J'avais déjà beaucoup travaillé sur des cas de violence sexuelle et de harcèlement au travail en tant que journaliste. Et à la suite d’un article sur une affaire se déroulant dans un hôpital, j’ai été contacté par des syndicalistes m’affirmant que ce je décrivais là était en fait assez courant. J’ai voulu voir si c’était vrai et j’ai rencontré d’autres syndicalistes, des militantes et des avocats. Puis des victimes. Elles me racontaient toutes la même histoire. D’abord, il y a agression ou harcèlement. Ensuite, elles réalisent qu’elles ne sont pas les premières victimes. Et enfin, elles sont confrontées au déni de l’institution, qui laisse l’agresseur ou le harceleur en place. Du coup, elles finissent toutes par partir.
Quelles sont les spécificités de l’hôpital par rapport aux autres milieux professionnels sur lesquels vous avez enquêté ?
C’est un milieu très majoritairement féminin et on aurait tendance à croire que ça protège les femmes. Mais c’est aussi un milieu où le pouvoir est très masculin car les postes prestigieux sont majoritairement occupés par des hommes. En gros, on a affaire à une armée de femmes commandée par des hommes. C’est un milieu très marqué par la culture carabine, qui me semble faire la part belle au sexisme. Et c’est un milieu où il y a une véritable culture du secret, liée au secret médical. Les femmes victimes d’agression ou de harcèlement se heurtent donc à une véritable omerta.
Comment ces femmes se reconstruisent-elles ?
C’est très dur, parce qu’en plus d’avoir été agressées ou harcelées, elles sont maltraitées par une institution, l’hôpital public, qu’elles n’avaient pas choisie par hasard. Le fait même de devoir quitter leur service ou leur hôpital, voire carrément le service public, joue un grand rôle dans leur souffrance. Heureusement, certains syndicats sont très offensifs sur ces questions et peuvent les épauler sur le plan psychologique comme sur le plan judiciaire. Elles peuvent également se tourner vers des associations, mais il faut absolument que les mentalités changent à l’hôpital, qu’il y ait une vraie prise de conscience.
Propos recueillis par Camille Hamet
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